Légalisation du cannabis: aspects juridiques
Le 19 juin dernier, le Sénat canadien a donné son aval à la dernière version du projet de loi C-45 du gouvernement fédéral. La date d’entrée en vigueur de la Loi sur le cannabis est maintenant dévoilée; les amateurs de cannabis pourront s’en procurer et en consommer en toute légalité à compter du 17 octobre prochain.
À ce sujet, un sondage effectué par l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés révèle que plus de 70 % des gestionnaires en ressources humaines sondés se disent préoccupés par la légalisation du cannabis et que près de 40 % d’entre eux considèrent que l’usage de drogues par leurs salariés constitue déjà, à l’heure actuelle, une problématique pour leur organisation¹.
Les inquiétudes des employeurs en cette matière sont souvent liées au rendement et à la productivité de l’entreprise. La problématique de la consommation de drogues soulève également des enjeux importants en matière de santé et sécurité en milieu de travail. Il est utile de rappeler que l’employeur a, en vertu de la loi, l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique de l’ensemble de ses travailleurs². Il en est de même pour les travailleurs, lesquels doivent prendre les mesures nécessaires pour protéger leur santé, leur sécurité et leur intégrité physique³.
Dans la foulée de l’adoption de Loi sur le cannabis, le gouvernement provincial a décidé de légiférer à son tour et a adopté la Loi constituant la Société québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière. Par l’entremise de cette loi, le législateur en a profité pour ajouter de nouvelles obligations en matière de santé et de sécurité en milieu de travail en lien avec la légalisation prochaine du cannabis. Ces nouvelles obligations, lorsqu’elles seront en vigueur, modifieront la Loi sur la santé et la sécurité du travail et se liront comme suit :
Art. 49.1 : «Le travailleur ne doit pas exécuter son travail lorsque son état représente un risque pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, ou encore celle des autres personnes qui se trouvent sur les lieux de travail ou à proximité de ces lieux, notamment en raison de ses facultés affaiblies par l’alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire. Sur un chantier de construction, l’état d’un travailleur dont les facultés sont affaiblies par l’alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire présente un risque.»
Art. 51.2 :«L’employeur doit veiller à ce que le travailleur n’exécute pas son travail lorsque son état représente un risque pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, ou encore celle des autres personnes (…) notamment en raison de ses facultés affaiblies par l’alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire.»
Dans ce contexte, l’employeur devra alors faire preuve de vigilance et devra être proactif dans l’évaluation des risques en milieu de travail liés à la consommation de cannabis par ses salariés.
Que doit donc faire l’employeur dans ce contexte ?
La première étape consiste assurément à mettre à jour ou, à défaut, à élaborer dans l’entreprise une politique encadrant la consommation de drogues, et même, d’alcool et de médicaments. Ce type de politique constitue un outil simple et efficace et permet de rappeler aux employés les attentes de leur employeur en matière de consommation de ces substances ainsi que de les sensibiliser aux conséquences susceptibles de découler d’une violation des normes qui y sont prévues.
La politique interne permet également de mettre en place à l’avance une méthode précise, uniforme et réfléchie de gestion des problématiques de consommation de drogues en milieu de travail, afin d’être en mesure d’agir efficacement.
Le respect de ces critères est tributaire de la présence de gestionnaires bien formés et en mesure d’appliquer la politique. L’employeur doit donc également prévoir leur formation, afin que ceux-ci soient aptes à déceler rapidement et efficacement les signes d’intoxication que pourrait présenter un salarié. Ainsi, il peut être judicieux de prévoir des directives internes qui peuvent servir de guides aux gestionnaires dans le cadre de leurs interventions.
Essentiellement, pour être efficace, une bonne politique interne doit contenir:
Une définition des objectifs de la politique;
Une définition de la notion de «drogues»;
Un rappel des obligations légales des employés et de l’employeur;
Des mesures de prévention et d’intervention;
Les interdictions applicables sur les lieux du travail, par exemple le fait de se présenter au travail avec les facultés affaiblies, le fait de consommer de la drogue sur les lieux du travail, ou encore la possession, la vente, la distribution ou l’achat de drogues ou d’objets servant à la consommation de drogue sur les lieux du travail;
Une définition large des lieux du travail, englobant notamment les stationnements, les voitures fournies par l’employeur et les lieux de rencontre avec les clients.
Notons que les politiques internes sont soumises à des critères de validité développés par la jurisprudence, lesquels devront être évidemment respectés.
En terminant, il faut savoir que l’employeur peut être soumis à un devoir d’accommodement envers un employé souffrant d’une dépendance aux drogues. L’imposition de mesures disciplinaires
comme le congédiement par exemple ne sont donc pas toujours appropriés dans de telles circonstances.
Les avocats de l’équipe du droit du travail de Lavery sont en mesure d’accompagner les employeurs dans la mise en place, la mise à jour et l’application de leur politique interne.
N’hésitez pas à nous contacter pour toute question.
Article rédigé par: Me Dave Bouchard Mme Blanche Fournier, stagiaire Avocats en droit du travail chez Lavery
1 Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, «La légalisation du cannabis», Sondage auprès des CRHA et CRIA», Rapport des résultats, En ligne http://www.portailrh.org/presse/PDF/Rapport-desondage-CRHA_Legalisation-du-cannabis.pdf (octobre 2017)
2 Loi sur la santé et la sécurité du travail (RLRQ, c. S-2.1), art. 51; Code civil du Québec, art. 2088
3 Loi sur la santé et la sécurité du travail (RLRQ, c. S-2.1), art. 49
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